Nouvelles des Aires Protégées en Afrique N° 80 (NAPA)
Dans quelques jours, le 6ème congrès mondial des parcs va débuter. Plus de 5 000 participants sont attendus, venus de toute la planète, qui, pendant une semaine, célèbreront la conservation de la nature et profiteront de ce moment rare, tous les dix ans. L’accent portera sur les succès, car il y en a (voir les histoires présentées dans cette NAPA) et les conclusions du congrès se voudront résolument optimistes.
Concerned URL | http://www.mediaterre.org/afrique/actu,20141107163332.html |
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Source | Média terre |
Release date | 22/11/2014 |
Contributor | Administrateur Sites Cameroun |
Geographical coverage | Global,, |
Keywords | aires protégées, congrès, |
Alors, peut-être faut-il, avant de céder avec délectation à cette vague de positivisme, se rappeler du contexte actuel de la conservation en Afrique ? Au moins pour ne pas être taxés d’angélisme ?
« D’un bout à l’autre du continent s’accélère sans cesse la cadence des ravages et des destructions causées par la sottise, l’ignorance et l’aveuglement des hommes. Ici c’est la majestueuse forêt dense, symbole pourtant, s’il en fût, de pérennité et de puissance, qui s’écroule, par millions d’hectares,
sous les effets conjugués du fer et du feu ; là c’est un bétail surabondant - et souvent squelettique - dont le piétinement obstiné écorche un sol désormais exposé à la perfide morsure des vents. Plus loin, dans les immensités désertiques que leur ampleur même semblait devoir protéger des méfaits du civilisé, camions et armes de guerre (dont l’emploi pour la chasse est interdit par la loi) poursuivent inlassablement, à titre, souvent, de « divertissement » les dernières gazelles. Autour des villes, habitées par un Homo dit pourtant « sapiens », un cercle de silence et de mort s’étend sans cesse : il faut aller de plus en plus loin pour pouvoir assassiner antilopes, phacochères, pintades ou tourterelles (…)
Bien sûr, il n’est pas question de l’oublier : l’exploitation des ressources naturelles doit se poursuivre et, devant une inquiétante marée démographique qui s’enfle sans cesse, s’amplifier. Bien sûr, il faut nourrir les affamés ! Bien sûr, la misère demeure un intolérable scandale (…)
Cependant, ici et là, quelques esprits réfléchis s’épouvantent et, mesurant l’ampleur des dégâts que l’on est en train d’infliger à la Nature africaine, tentent, courageusement, de dénoncer le péril. Même s’il s’agit d’un combat d’arrière-garde, ils tiennent à honneur de le livrer. On voudrait être certain que leur cri d’alarme sera entendu, et d’abord, des africains eux-mêmes, désormais seuls responsables de leur avenir et de celui de leur pays. Le sera-t-il ? A dire vrai, ce n’est pas certain. Les hommes de gouvernement vivent, obligatoirement, dans un empirisme au jour le jour qui les empêche de penser le futur à une échelle suffisante. Les autres demeurent dans l’ignorance : la conservation de la Nature n’est pas encore systématiquement enseignée ici dans les écoles, comme elle l’est, déjà, dans plusieurs pays du monde.
Or, il faut bien le reconnaître : rien d’efficace, rien de durable ne se fera sans un profond changement de mentalité et de climat psychologique. Les plus beaux textes administratifs demeureront lettre morte - comme certains le sont à peu près déjà – tant qu’ils ne seront pas appuyés par une opinion publique vigilante, reflet elle-même d’une attitude nouvelle de l’Homme à l’égard de la Nature et du Monde (…)
Les Africains sauront-ils donner au monde, dans ce domaine, le magnifique exemple que l’humanité toute entière attend d’eux ? (…) Vont-ils puiser dans leur plus antique tradition les pacifiques sagesses capables de faire de l’Afrique un continent où l’Homme saura se servir de la Nature sans la détruire ? Leur pays restera-t-il, en particulier, le seul témoin des prodigieuses concentrations de grands mammifères à la fin du tertiaire ? Verra-t-on longtemps encore éléphants, girafes, zèbres et rhinocéros ? On le souhaite. »
Ce texte a été écrit par Théodore Monod* il y a plus de 50 ans, en 1961, sous le titre « La nature africaine en péril : peut-elle encore être sauvée ? »… Il est pourtant d’une incroyable actualité et nous rappelle, si besoin était, que les paroles ne suffiront pas à changer la donne. Souhaitons donc que ce congrès nous poussera aux actes !
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*Théodore MONOD était Professeur au Muséum
d’Histoire Naturelle et Directeur de l’Institut
Français d’Afrique Noire
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