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La variabilité des facteurs de l'érosion

Avant d'adopter l'une ou l'autre des méthodes de lutte antiérosive, il est souhaitable de revenir aux causes de l'érosion et aux facteurs qui en modifient l'expression dans les conditions écologiques où ce travail a été effectué, c'est-à-dire, les collines des vieilles surfaces de l'Afrique.

L'analyse des résultats disponibles dans le cadre de l'équation de prévision de l'érosion, soit environ 560 parcelles/an, permet de passer en revue et de quantifier ces différents facteurs (Roose, 1975) :

- L'indice d'agressivité climatique (RUSA) est très élevé: il croît de 200 unités au nord du Burkina Faso à plus de 1400 en Basse Côte d'Ivoire (figure 17). De plus, sa répartition au cours de l'année est très hétérogène: 75 % de la valeur de R annuel sont souvent concentrés en 2 ou 3 mois, au début de la saison culturale lorsque les sols cultivés sont peu couverts.

R, l'érosivité des pluies, varie de 100 à 2000

- La résistance des sols à l'érosion (cas des sols ferrallitiques; K = 0,01 à 0,18) et des sols ferrugineux tropicaux cultivés (K: 0,20 à 0,30) est bien plus satisfaisante que celle de bon nombre de sols lessivés des régions tempérées (K varie de 0,20 à 0,70)

K, l'érodibilité des sols, varie de 0,01 à 0,30

Cependant il est difficile de réduire l'érodibilité d'un sol une fois qu'il est dégradé, qu'il a perdu sa matière organique, son argile, sa structure et sa perméabilité: K augmente de 0,10 à 0,20 ou 0,35 avec la dégradation des sols sous culture.

- Le facteur topographique regroupe les effets de la longueur (L) et de l'inclinaison (S) de la pente. L'influence de la longueur de la pente n'est ni constante, ni très élevée: pour des raisons pratiques, une équipe de chercheurs américains a estimé que l'érosion croît comme la racine carrée de la longueur de pente. Par contre, l'influence de l'inclinaison de la pente est déterminante. Les transports solides croissent de façon exponentielle (l'exposant = ± 1,4 à2) avec le pourcentage de pente (Zingg, 1940 ; Hudson, 1973 ; Roose, 1975) ou encore selon une équation du second degré très voisine (Wischmeier et Smith, 1960). Sur les pentes les plus courantes (0,1 à 15 %) d'une longueur de 60 m, la variabilité de SL se situe dans une gamme de 0,1 à 5.

SL, l'indice topographique, varie de 0,1 à 5
(et jusqu'à 20 en montagne)

- La couverture du sol (facteur C) assurée par les végétaux (et les cailloux) a une importance qui l'emporte sur celle de tous les autres facteurs qui conditionnent l'érosion. En effet, quels que soient l'agressivité du climat, la pente, le type de sol, les phénomènes d'érosion seront médiocres si le sol est couvert à plus de 90 %. Noter cependant que les techniques culturales vont intervenir puissamment durant la phase de croissance des végétaux.

C, l'interaction entre la couverture végétale et les
techniques culturales, varie entre 1 et 0,001

En conclusion, dans les régions tropicales qui nous intéressent ici, les facteurs les plus importants sur lesquels on peut intervenir pour limiter l'érosion et le ruissellement, sont avant tout le développement du couvert végétal et l'inclinaison de la pente. Pour atteindre ce but, quatre approches biologiques semblent possibles:

1° Intensification de l'agriculture sur les terres les meilleures et les moins pentues. Une attention particulière est due à la date, à la densité du semis, à la fertilisation et à l'usage des pailles et résidus des cultures à la surface du sol, à la préparation du lit de semence et à la gestion des matières organiques.

2° Protection contre le feu et le surpâturage des zones les plus sensibles par une couverture permanente (forêt, savane, pâturage ou verger).

3° Aménagement des ravines et des exutoires en vue d'évacuer les excès d'eau temporaires avec un transport minimal de sédiments. Aménagement des voies d'accès aux parcelles et de leur drainage.

4° Aménagement définitif du cadre foncier au niveau du bassin versant à l'aide de bandes antiérosives évoluant en talus et orientation approximative de tous les travaux culturaux perpendiculairement à la ligne de la plus grande pente.

Contrairement aux aménagements mécaniques qui coûtent cher, sont peu rentables et difficiles à entretenir, les méthodes biologiques proposées sont bien adaptées au milieu tropical où l'herbe est abondante, où les pentes sont moyennes et où les moyens techniques et financiers sont rares. De même, si on se place du point de vue de la stabilisation du régime hydrique du sol et des cours d'eau, de la protection des ouvrages routiers et hydrauliques, comme de l'augmentation de la production agricole, nul doute qu'il vaille mieux augmenter l'infiltration sur l'ensemble du terroir agricole par l'extension du couvert végétal plutôt que d'évacuer toutes les eaux excédentaires en surface.

Conclusions sur l'applicabilité du modèle USLE en Afrique

Maintenant qu'on dispose d'un nombre relativement important de mesures de l'érosion en parcelles expérimentales (plus de 560) en Afrique de l'ouest, du nord et du centre, on peut se poser des questions sur l'applicabilité de "l'équation universelle" de pertes en terre (Wischmeier et Smith, 1978) en Afrique (Roose, 1978).

1° Ce modèle ne s'applique qu'à l'érosion en nappe et rigole (donc à l'érosion naissante qui nous intéresse ici), dans les zones de collines à l'exclusion des zones montagneuses où dominent les glissements de terrain et l'érosion linéaire (rigoles, ravines et rivières). Il n'aborde ni le problème du mode de ruissellement, ni des transports en solution. A la limite, on peut modifier chaque sous-modèle pour tenir compte de l'énergie du ruissellement sur les fortes pentes.

2° Ce modèle empirique doit être basé sur un grand nombre de résultats répétés dans le temps et dans l'espace car il vise le comportement moyen à long terme (20 ans) des terres cultivées. L'usage de simulateurs de pluies (données ponctuelles pour chaque situation) peut compenser le manque de données sur parcelles sous pluies naturelles, mais ne peut pas les remplacer. Il est toujours difficile de comparer des résultats particuliers obtenus en simulation avec des données moyennes sur plusieurs années sur parcelles. Or, les expérimentations en station sont longues et coûteuses. En pratique, en l'absence de résultats localement bien représentés, on peut s'appuyer sur les tables présentées dans cet essai donnant les coefficients correspondants en Afrique ou aux Etats-Unis (voir Wischmeier et Smith, 1978).

3° Ce modèle est basé sur des données provenant de petites parcelles (100 m2), des champs ou des bassins versants de surface très limitée (quelques hectares): il se pose donc des problèmes d'échelle lorsqu'on tente de prévoir des valeurs régionales d'érosion et surtout, de transport solides sur de vastes bassins versants concernés par des aménagements hydrauliques craignant l'envasement.

4° La valeur de l'érosion tolérée est difficile à préciser car le modèle néglige l'aspect qualitatif des matériaux érodés. Or, la richesse de nombre des sols tropicaux se trouve stockée dans les 20 premiers centimètres (surtout sous forêt) et l'érosion en nappe arrache sélectivement les colloïdes organiques et minéraux ainsi que les nutriments qui assurent le réservoir hydrique et chimique du sol (Roose, 1967-73-80).

5° Le modèle semble s'appliquer assez bien à des sols riches en kaolinite, des sols bruns lessivés tempérés, des sols ferrallitiques et ferrugineux tropicaux, à l'exclusion des sols riches en argiles gonflantes (vertisols, sols bruns tropicaux, sols salés) qui manifestent très rapidement un ravinement important dû à leur faible capacité d'infiltration une fois qu'ils sont mouillés.

6° Enfin, ce modèle néglige les interactions entre les différents facteurs. Or, ces interactions se sont avérées très nombreuses à l'analyse des résultats. Ainsi, on a observé une grande différence de réaction de sol à l'agressivité des pluies en fonction de la pente, selon que le sol est argileux (rigoles) ou sableux (nappes) et selon l'état de surface du sol (rugosité due aux façons culturales, humidité préalable du sol, gestion des résidus de culture).

Ceci étant admis, il faut reconnaître non seulement l'utilité pratique de cette équation sur le terrain pour rationaliser l'aménagement de l'espace rural, mais aussi son intérêt scientifique pour définir l'influence relative de chacun des facteurs en cause. Cette équation répond donc bien à sa vocation qui est de déterminer les techniques antiérosives à mettre en oeuvre dans chaque situation. Sur le vieux continent africain l'utilisation de l'équation de Wischmeier semble justifiée par une masse de résultats (560) se rapportant aux sols, aux plantes et aux pentes les plus couramment cultivées.

L'indice d'agressivité tient fort bien compte des interactions entre la hauteur, l'intensité et la durée des pluies sur les transports solides; il pourrait cependant lui être ajouté un indice d'humidité du sol exprimant l'état de ce dernier avant la pluie. Le dépouillement fastidieux de milliers de pluviogrammes a permis de présenter une première esquisse de la répartition spatiale de l'indice d'agressivité annuel moyen et de constater qu'en dehors de la frange côtière et des zones de montagne, les pluies ont des caractéristiques (hauteur, intensité, durée, fréquence) voisines sur les basses régions d'Afrique de l'Ouest. Cependant il faut se poser la question de savoir s'il convient de fonder la lutte antiérosive sur des valeurs moyennes de l'agressivité des pluies ou bien sur des risques décennaux ou centennaux provenant des averses exceptionnelles. Cette approche fréquentielle reste à faire.

La couverture du sol assurée par les végétaux (et les cailloux) a une importance qui dépasse celle de tous les autres facteurs conditionnant l'érosion. L'architecture des plantes ainsi que les techniques culturales ne jouent qu'un rôle secondaire une fois que le sol est couvert à 90 %. Cependant les techniques culturales peuvent intervenir durant la phase de croissance des végétaux. L'indice C permet par ailleurs de sélectionner les techniques et les plantes les mieux adaptées aux conditions écologiques locales.

L'érodibilité des sols: contrairement à une opinion largement répandue parmi les agronomes, les sols ferrallitiques, et dans une moindre mesure, les sols ferrugineux tropicaux surtout s'ils sont gravillonnaires, semblent moins fragiles que bon nombre des sols lessivés des régions tempérées. C'est l'agressivité particulière des pluies tropicales qui entraîne les dégâts impressionnants que l'on observe en zone tropicale. Le nomographe, proposé en 1971 par Wischmeier, Johnson et Cross pour estimer rapidement l'indice de résistance des sols à l'érosion, semble applicable à condition de lui ajouter un coefficient modérateur tenant compte des gravillons ou débris de roches présents dans l'horizon labouré (Dumas, 1965). Enfin, il semble qu'il faille porter une attention particulière aux sols riches en argile gonflante tels que les vertisols, les sols bruns tropicaux et les sols volcaniques qui ont un comportement très spécifiques et pour lesquels cette équation ne s'applique pas. L'analyse du mode d'apparition très particulier du ruissellement reste à faire.

Le facteur topographique et en particulier la longueur de la pente, constitue certainement un point faible de cette équation puisqu'il devrait varier avec le type de sol, avec la texture et le type de couverture végétale. Mais en attendant de rassembler suffisamment de données sous pluies naturelles ou simulées, il peut être utilisé dans la plupart des cas pratiques. Cette réserve est cependant importante pour le choix des techniques antiérosives qui font trop souvent appel à la limitation de la longueur de pente, laquelle n'est efficace que pour l'érosion en rigole et rarement pour l'érosion en nappe. Ces réserves sont encore plus graves lorsque l'influence de la position topographique dépasse celle de la pente comme par exemple, dans le cas où l'érosion régressive a pour origine le réseau de drainage ou le fond de vallée.

TABLEAU 38 : Estimation des méthodes antiérosives à mettre en oeuvre pour réduire l'érosion à une valeur tolérable (ici E = 1 t/ha/an) (exemple de la zone cotonnière soudano-sahélienne du Mali)

R

K

Risque E max t/ha/an

Méthode antiérosive

SL

C

P

Risques E t/ha/an

400

système extensif ® 0,3

120

(a) -

0,4

0,8

38,4





(b) Fossé de diversion/50 m

0,24

0,8

0,5

11,5




(c) Cordon de pierre/25 m

0,12

0,8

0,5

5,7


système intensif ® 0,2

80

(a) -

0,4

0,4

0,5

6,4




(b) Fossé de diversion/50 m

0,24

0,4

0,5

3,8




(c) Cordon de pierre/25 m

0,12

0,4

0,5

1,9




(a) + billons cloisonnés

0,4

0,4

0,1

1,3




(b) + billons cloisonnés

0,24

0,4

0,1

0,8




(c) + billons cloisonnés

0,12

0,4

0,1

0,4




(a) + paillage ou couverture vivante

0,4

0,01

1

0,3

En conséquence, les techniques antiérosives du type biologique, c'est à dire favorisant la couverture du sol, sont à la fois les plus efficaces, les moins onéreuses et les mieux adaptées aux conditions des plaines et des plateaux largement ondulés du vieux continent africain.

En conclusion, on ne peut attribuer le terme d'universel à l'équation de Wischmeier et Smith puisqu'elle ne s'applique ni aux sols à argile gonflante, ni aux sols volcaniques, ni aux régions montagneuses à relief jeune où l'érosion ravinante linéaire domine, ni aux zones sahariennes et méditerranéenne où la pluie exceptionnelle a une importance décisive. Cependant cette équation de prévision de l'érosion semble bien adaptée à la majorité des terrains cultivés en Afrique de l'Ouest et en particulier aux pentes moyennes à faible, sur les sols ferrallitiques et ferrugineux tropicaux argilo-sableux.

La pratique du modèle de prévision de l'érosion de Wischmeier

L'objectif est de définir un système de production (comprenant une rotation productive, des techniques culturales faisables et des structures antiérosives efficaces) qui maintiennent les risques d'érosion inférieure à la tolérance évaluée généralement entre 1 et 12 t/ha/an selon le type de sol.

Prenons l'exemple de la zone cotonnière soudano-sahélienne du Mali: (tableau 38)

1. Pluie = 800 m: l'indice moyen R = 800 x 0,5 = 400 t/ha/an (figure 17).

2. L'érodibilité K des sols ferrugineux tropicaux cultivés de la région varie de 0,3 s'ils sont dégradés, à 0,2 dans le cas d'un système intensif recyclant beaucoup de matières organiques (figures 20 et 21).

3. SL, l'indice topographique. Supposons que la culture se trouve sur un glacis de 2 % de pente et 300 mètres de longueur:

- à la figure 22, on trouve que SL = 0,4;
- si on introduit un fossé de diversion tous les 50 mètres, SL = 0,24;
- si on introduit un fossé de diversion tous les 25 mètres, SL =0,18;
- si on introduit un cordon de pierres/haie vive tous les 25 m, SL = 0,12;

car chaque cordon fait un talus de 25 cm qui réduit l'inclinaison de la pente.

4. Le facteur C, pour une rotation continue, varie de 0,4 à 0,8 selon qu'on est en culture intensive ou extensive (tableau 29):

- l'adjonction d'une arachide ne changerait rien (C = 0,4 à 0,8);

- la succession de 4 années de culture + 4 années de jachère ferait diminuer C de moitié

(Cscsjjjj pour une rotation culturale coton, sorgho, coton, sorgho, jachère, jachère, jachère, jachère)

A long terme, on a donc réduit les risques de moitié grâce à la jachère, mais on a supprimé 4 années de production.

Pour maintenir la production, il faudrait défricher une autre parcelle; ceci n'est plus possible sous certaines zones de l'Afrique où la pression démographique pose un problème foncier.

- Une solution purement biologique est possible avec la pratique de paillage ou des plantes de couverture (C = 0,01 et E = 0,32 t/ha/an) sans faire appel ni aux structures antiérosives, ni au billonnage.

5. Les pratiques antiérosives (P). Le calcul montre que l'introduction de structures antiérosives n'est pas suffisante: il faut modifier les pratiques culturales et/ou les rotations. Dans le meilleur des cas, avec un système intensif, des cordons de pierres tous les 25 mètres et le labour en courbe de niveau, les risques d'érosion sont encore doubles de la tolérance (E = 1 t/ha/an).

Si on introduit le billonnage isohypse cloisonné, l'érosion varie de 0,4 à 0,8 si on adopte les structures de dissipation ou de diversion du ruissellement. Voilà une deuxième solution, mais mécanique et donc plus coûteuse, mais plus facile à réaliser en zone semi-aride où la biomasse est consommée par le bétail et où la saison des pluies n'est pas assez longue pour produire une légumineuse semée en dérobée sous la céréale.

 

Chapitre 6 : L'érosion linéaire


Les formes d'erosion linéaire
La cause et les processus de l'erosion linéaire
Les facteurs du ruissellement
La lutte contre le ruissellement et l'erosion linéaire
Valorisation des aménagements de ravine


Figure

Lorsque l'intensité des pluies dépasse la capacité d'infiltration de la surface du sol, il se forme d'abord des flaques; ensuite ces flaques communiquent par des filets d'eau et lorsque ces filets d'eau ont atteint une certaine vitesse, 25 cm par seconde d'après Hjulström (1935), ils acquièrent une énergie propre qui va créer une érosion limitée dans l'espace par des lignes d'écoulement. Cette énergie n'est plus dispersée sur l'ensemble de la surface du sol, mais elle se concentre sur des lignes de plus forte pente. L'érosion linéaire est donc un indice que le ruissellement s'est organisé, qu'il a pris de la vitesse et acquis une énergie cinétique capable d'entailler le sol et d'emporter des particules de plus en plus grosses: non seulement des argiles et des limons comme l'érosion en nappe sélective, mais des graviers ou des cailloux et des blocs lorsqu'il sera organisé en ravines.

Le traitement de l'érosion linéaire fait l'objet de manuels très documentés (Hudson, 1973; Gray and Leiser, 1982; Cemagref, 1982-88; Geyik, 1986; Heusch, 1988) et de très nombreux articles spécialisés (Boiffin et al., 1986; Watson et al., 1986; Govers et al., 1987; Laflen, 1987; Meunier, 1989; Poesen, 1989; Deymier et Combes, 1992). Dans ce document, centré sur la lutte contre la dégradation des sols et l'érosion débutante, nous n'aborderons que la typologie du ravinement en relation avec leur cause et n'esquisserons que les méthodes d'aménagement des ravines moyennes à portée des paysans et les principes nécessaires aux développeurs non spécialisés pour éviter les principales causes d'échecs (voir les dix commandements). Pour la correction torrentielle et l'aménagement des plus grosses ravines, nous prions le lecteur de consulter les ouvrages spécialisés cités en bibliographie. Il en sera de même pour l'érosion en masse et l'érosion éolienne.

Les formes d'erosion linéaire

Dès qu'il y a ruissellement, s'organisent les transports des particules légères, en particulier les matières organiques, les résidus de culture, les déjections animales et également des transports des particules fines, argile, limons et sables. A la surface du sol on peut observer des "délaissés de crues" composés souvent de matières organiques longues et fibreuses ou alors de dépôts sableux organisés en filets comme dans les oueds. L'érosion linéaire [planche photographique 13] apparaît lorsque le ruissellement en nappe s'organise, il creuse des formes de plus en plus profondes. On parle de griffes lorsque les petits canaux ont quelques centimètres de profondeur, de rigoles lorsque les canaux dépassent 10 cm de profondeur mais sont encore effaçables par les techniques culturales. On parle de nappe ravinante lorsque les creux ne dépassent pas 10 à 20 cm mais que leur largeur atteint plusieurs mètres et enfin, de ravines lorsque les creux atteignent plusieurs dizaines de cm (plus de 50 cm) et en particulier, lorsqu'ils ne sont plus effaçables par les techniques culturales. A l'intérieur des ravines on peut encore distinguer des petites ravines dont le lit est encore encombré de végétation herbacée et surtout arbustive et qu'on pourra fixer rapidement par des méthodes biologiques. Par contre, dans des grandes ravines qui peuvent s'étaler sur plusieurs kilomètres, le canal central comporte des blocs rocheux, témoins d'un charriage important et d'une certaine torrentialité. Ces fonds étant mobiles, il n'est plus question de les stabiliser uniquement par des méthodes biologiques; il sera nécessaire d'utiliser des seuils cimentés et des méthodes mécaniques coûteuses (Lilin, Koohafkan, 1987; Mura, 1990).

FIGURE 53 : Les formes d'érosion linéaire

Trois processus de ravinement

1) Sur matériau hétérogène: ravines en U

2) Sur matériau homogène: flancs de ravine en V

3) Sur argiles gonflantes, gypse et matières solubles : ravine en tunnel

Il est également intéressant de noter la forme de ces ravines. Certaines ont des berges en V à pente constante jusqu'au fond, d'autres ont des berges verticales et sont en U. enfin d'autres ravines évoluent par tunnel et effondrement (figure 53). On parlera de grosses ravines ou de ravines à fonctionnement torrentiel lorsque la violence et la fréquence des crues, l'importance du charriage, ne permettent pas d'envisager la végétalisation du fond de la ravine dans un délai raisonnable. L'examen du lit permet de compléter le diagnostic. Le lit de ravine à fonctionnement torrentiel est généralement encombré d'alluvions grossières et sa colonisation par la végétation ligneuse est réduite. Par contre, dans les petites ravines relevant d'un traitement biologique, les alluvions sont plus fines et la végétation ligneuse colonise encore certains tronçons, au moins tant que la dégradation de cette végétation n'est pas trop poussée du fait de la mise en culture" (Lilin, Koohafkan, 1986).


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