News Le lac Tanganyika le trésor englouti

Ce patrimoine régional, plus long réservoir d'eau douce au monde, souffre de la pollution, dû notamment au manque de stations de traitements des eaux usées du côté burundais.

Concerned URL http://aa.com.tr/fr/afrique/le-lac-tanganyikale-tr%C3%A9sor-englouti/472393
Source AA/ Bujumbura/ Yvan Rukundo
Release date 05/04/2018
Contributor Jean-Marie Manirambona
Geographical coverage Burundi,
Keywords Pollution du lac Tanganyika,

Le lac Tanganyika, plus long réservoir d'eau douce au monde, véritable joyau africain, va mal.

Avec une superficie d’environ 32.900km², et s’étirant sur 677 km²,  le lac Tanganyika, qui puise sa source dans le fleuve Congo, héberge plus de 2000 espèces animales et végétales, et plus ou moins 600 de ces espèces sont endémiques.

"Un vrai patrimoine régional", estime Jean Marie Nibirantije, ancien ministre burundais de l’environnement et actuellement à la tête de l’Autorité du lac Tanganyika, rencontré par Anadolu.

Ce bijou de l'Afrique que se partage la Tanzanie (à l’est), la République démocratique du Congo (à l'ouest), le Burundi et la Zambie, souffre de la pollution.

"Des déchets ménagers, des eaux usées provenant des usines ou des entreprises, des plantes envahissantes, … la liste des facteurs de pollution qui menacent le lac Tanganyika, est longue", déplore Nibirantije.

Sur les rives de ce lac, du côté burundais, le constat est en effet sans appel. Les eaux, de couleur noirâtre, dégagent une odeur suffocante. 

Albert Mbonerane,militant pour la protection de l’environnement rappelle que dans la ville de Bujumbura qui abrite près d'un million d'habitants, "moins de la moitié des ménages de la capitale sont raccordés aux stations de traitements des eaux usées de Buterere". Les déchets et eaux usées, vont donc directement s'échouer dans les eaux du lac.

Pour les quartiers les plus reculés du lac, c’est dans les rivières traversant la ville (comme Ntahangwa, Muha, Nyabagere et Nyabagere) que toutes sortes de déchets sont déversées, la destination finale étant toujours le lac Tanganyika.

Les déchets des centres urbains riverains du lac comme Rumonge, Nyanza-Lac, les villages des pêcheurs de Mvugo, dans les provinces Bururi et Makamba (sud), n'échappent pas à la triste règle, précise Celeus Ngowenubusa, expert en environnement.

La pollution portuaire, contribue également à la destruction du lac, poursuit Ngowenubusa évoquant les huiles usées des moteurs et d’autres engins déversés dans le lac.

En outre, peu de quartiers sont raccordés à un système d'assainissement, alors que la ville de Bujumbura s’est agrandi et continue son extension, déplore Albert Mbonerane, qui  ajoute que  les quelques stations d’épuration des eaux usées tombent souvent en panne. 

Bujumbura étant surplombée par la région naturelle des Mirwa faite de montagnes presque dénudées et escarpées, souffre aussi de l’envasement du lac. "Des boues, des terres provenant de montagnes viennent ainsi s’amasser dans le lac", relate Mbonerane. 

"Et le pays étant à plus de 90% agricole,  utilise beaucoup d'engrais chimiques. Tous ces produits chimiques, ces pesticides provenant des cultures proches du lac (comme le coton, le riz, le palmier à l’huile, etc) contribuent à la pollution du lac", poursuit-il.

C’est le cas notamment de la rivière Rusizi, sur la frontière Burundo-congolaise. "On remarquera d'ailleurs qu’à l’embouchure, l’eau est très rougeâtre et que les terres cultivables ont été arrachés par l’érosion", observe Ngowenubusa, qui demande "une harmonisation des textes de protection de l'environnement dans tous les pays du bassin de ce lac afin d'appliquer le principe de pollueur-payeur."

"La liste est longue" répète Albert Mbonerane,  évoquant également les plantes envahissantes comme la jacinthe d’eau. 

D’après ce militant de l'environnement, cette dernière "pousse là où il y a des eaux polluées et constitue des nappes qui bloquent la lumière et étouffe la surface."

"Or, explique-t-il,  la lumière est indispensable dans la vie des êtres aquatiques. Et dans ce cas, les poissons en premier lieu, migrent vers d’autres coins du lac parce que ces plantes envahissent les zones côtières polluées alors que cette zone est à l'origine très propice à la reproduction des poissons."

Si les eaux du lac Tanganyika sont partagés entre les quatre pays à proportions inégales -Burundi (8%) ; RDC  (45°%) ; Tanzanie (41%) et la Zambie (6%)- Albert Mbonerane "ne doute pas que le Burundi est tout de même le premier à polluer ce patrimoine par le fait que sa capitale, les principaux centres urbains, des industries, … se trouvent au bord du lac."

Si le Code de l’eau promulgué le 26 mars 2012, protège juridiquement le lac, sur le terrain "les choses laissent à désirer", affirme Théophile Ndarufatiye, assistant du Ministre de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de l’urbanisme. 

Malgré le texte, qui dans son article 5, fixe une zone de protection sur une largeur de 150 m appelée domaine public hydraulique, des maisons d’habitations, des bars, des restaurants ont envahi cet espace qui sert à la base de pâturage, pour les animaux tel que les hippopotames.

"Ces constructions constituent une menace pour le lac et sa biodiversité.", souligne l'assistant.

"Les gens construisent jusqu’aux vergers de ces rivières écoulant tous les déchets ménagers dans ces rivières qui finissent par le lac", déplore-t-il encore. 

Pour lutter contre cette pollution, certaines initiatives ont été enclenchées, rassure l'ancien ministre de l'environnement. Ainsi, l'association "Action Ceinture Verte", dont Mbonerane est le président, organise, chaque samedi, des activités mobilisant surtout les jeunes, pour la protection du Lac, qui consistent, notamment à enlever la jacinthe d'eau. 

Du côté du ministère de l environnement, on recommande à tous ceux qui ont construit des édifices dans l'espace hydraulique de détruire ces constructions, sous menaces de sanction à l'encontre, surtout des usines et entreprises, précise Théophile Ndarufatiye.

 


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